lundi 12 novembre 2012

La nostalgie est-elle un frein à l'innovation culturelle ?

Une question dérangeante pour nous, adeptes de la musique des années 60 et 70. C'est en lisant un article de Télérama portant sur le livre Retromania de Simon Reynolds que des doutes ont resurgis. Le journaliste anglais met l'accent sur la tendance des années 2000 d'aduler le passé. C'est un fait qu'on ne peut pas dénier et sur lequel l'industrie musicale se base de plus en plus, des rééditions d'albums d'époques toujours plus nombreuses, des tournées basées un album sorti il y a une trentaine d'années, des jeunes groupes qui se veulent vintage... Cette nostalgie de l'âge d'or musicale est-elle justifiée ?

Le bilan musical de ces dernières années peut paraître très sombre, aucun style musical n'a vraiment marqué notre décennie, les modes se sont essoufflées aussi vite que le temps de téléchargement d'un album de nos jours. Pourtant, grâce à Internet, les artistes sont toujours plus nombreux et jamais les créations musicales n'ont été plus florissantes. Les réseaux sociaux, les plateformes d'échange, de visionnage auraient dû permettre à la musique de s'épanouir et de se répandre toujours plus vite. Malheureusement, il semble que notre art ait souffert de cette facilité d'accès. Le format MP3 a été le premier coup dur, cette volonté de compresser au maximum les pistes audios au mépris de la qualité sonore sont la représentation parfaite de la création musicale actuelle. Des sons épurés, aseptisés et minimalistes deviennent le quotidien des charts, des radios et la monotonie musicale s'installe dans nos oreilles sans que l'on tire la sonnette d'alarme. Il semble même que les jeunes ne sachent plus différencier une piste MP3 128kbps à la qualité CD, le confort d'écoute n'est même plus une contrainte. On consomme la musique comme de la nourriture discount, en masse et sans attendre un minimum de qualité. Une autre preuve en est, le single est à son paroxysme à notre époque. La notion d'album sur Youtube est totalement bafoué et l'écoute d'un titre par ci par là est privilégié. Le plaisir d'écouter un album dans son intégralité et de jouir de toutes ses qualités a pratiquement disparu des moeurs. Pire encore, Youtube a détruit toutes barrières spatiales et temporelles, on le voit facilement quand des titres, qui différent totalement tant dans le style que dans le contexte, sont liées à la vidéo.

Cet accès à un contenu musical presque infini nous a éloigné de la notion de qualité, nous privilégions la quantité et nous nous goinfrons de gigaoctets sans vraiment apprécier la valeur de la musique. Evidemment, l'industrie musicale joue de cette tendance et nous propose des produits à la hauteur de la clientèle : des singles qui se ressemblent, des pop-star préfabriqués, en clair une musique éphémère, qui ne marque plus les esprits. Au vu de ce sombre bilan musical des années 2000, la question d'un retour dans le passé semble se poser. Chaque décennie musicale précédente a été marqué par des mouvements de contestation qui ont vu émerger une musique, la vague hippie des années 60 et son rock psychédélique, les années 70 avec son punk ravageur, le hip-hop des années 80's, le grunge des 90's. Depuis, le vide musical s'est instauré et les quelques bons albums font office de denrées rares.

Face à cette crise musicale, le premier réflexe humain est le repli et le retour dans le passé. On se dit que c'était bien mieux avant. On s'enferme alors dans un cercle vicieux et le passé dévore le peu d'avenir qu'il nous restait. Nous nous demandons où la musique s'est arrêté et on se rend compte que la dernière innovation musicale remonte aux années 80. Quand on mélange l'épuration de la musique des années 2000 et la volonté de retourner dans le passé, malheureusement le résultat devient catastrophique. Des groupes comme The Strokes, Libertines, Black Keys naissent et représentent le plus grave symptôme de la Retromania. Des groupes qui prétendent jouer de la musique du passé mais qui oublient toute l'essence même du Rock. L'audace, l'innovation sont les fers de lance de la création musicale. Ces espèces de petites merdes des beaux quartiers nous proposent un son emballé pour la radio, fait pour être vintage et qui ne marque en aucun cas l'esprit. Des fois, cette volonté de singer les rockstar d’antan vire au pathétique, prenons l'exemple d'Amy Winehouse ou Pete Doherty qui ont fait bien plus de polémique que de musique. On sent des musiciens qui n'y croient même plus et suivent les indications de leur maison de disque. La musique des années 2000 n'a plus d'horizons, n'a plus de rêves, on s'ennuie tellement qu'on préfère aller voir une tournée de The Wall, album crée il y a trente ans, plutôt qu'une jeune groupe qui de toute façon va nous pondre la même merde stérile dénuée de génie. Même des artistes de l'âge d'or, de la soixantaine, nous assurent un show dantesque comparé à nos jeunes groupes..

Je ne pense pas que la nostalgie est forcément un frein à l'innovation. On se retrouve en fait face aux deux cas qui ruinent la musique actuellement. Les mouvements electro-pop, répétitifs à souhaits, dénués de génie et suffisant à eux mêmes, qui ont complètement que la musique était un art et qu'elle avait des traditions et des racines. D'un autre coté, des groupes fades qui tentent d'imiter les groupes passées et se ramassent avec brio, parce qu'ils n'ont ni la carrure, ni la conviction. Je pense qu'il y a un juste milieu dans tout ça et qu'il faut revenir là où la musique s'est arrêté, l'histoire est une éternelle redécouverte et si on n'y a ajoute pas une pincée d'innovation, elle devient un ennuyeux éternel recommencement. Cet article se dirige vers vous, jeunes musiciens plein d'espoirs, n'ayez pas honte de vous influencer de ce que la musique a fait de meilleur mais ne renoncez surtout pas à votre personnalité et à vos convictions pour obtenir le succès. Putain, chantez et jouez ce que vous ressentez vraiment, parlez de ce qui vous attriste et de ce qui vous rend heureux, de ce qui vous fait rager et de ce qui vous fait rêver.